Les Eagles of Death Metal de retour à Paris

Moins d'un mois après les attentats, le groupe de rock californien Eagles of Death Metal, qui jouait au Bataclan lors de l'attaque du 13 novembre, a participé à un concert de U2 à Bercy.
Publié le 08/12/2015 à 10:01
Temps de lecture : 6 min
Les Eagles of Death Metal de retour à Paris

Eagles of Death Metal était en concert lundi soir à Paris. Inimaginable il y a encore quelques jours, la rumeur avait pourtant commencé à circuler en fin de semaine dernière. Avec la foi du charbonnier, doublée d’un entregent digne de celui des plus grands de ce monde, U2 a donc rendu possible l’apparition, telle que vérifiée sur le coup de 23 heures par 20 000 spectateurs en pâmoison dans la fraîchement rénovée Accor Hôtel Arena de Bercy... Plus, les grand'messes étant aussi de nos jours fatalement cathodiques, un gros paquet de téléspectateurs abonnés à la chaine payante américaine HBO qui retransmettait le show en direct.

Reprenons. Le mois dernier, le plus célèbre groupe irlandais de la planète poursuivait gaillardement sa tournée mondiales des arènes - entamée en mai au Canada - en s’arrêtant quatre soirs (archi-complets) à Paris. Tel était du moins le plan de route, bouleversé par la série d’attentats survenus le vendredi 13 novembre dans la capitale; à commencer par celui du Bataclan qui, de facto, provoquait l’annulation d’à peu près tous les événements publics du week-end. Entre autres conséquence du deuil national - et de l’immense détresse afférente, notamment dans le milieu artistique -, U2 renonçait donc sur le champ à ses deux dernières dates françaises, prévues les samedi 14 et dimanche 15, les musiciens allant à la place se recueillir sobrement devant la salle du boulevard Voltaire, tout en promettant de revenir rapidement à Paris.

L’Innocence + Experience Tour aura ainsi joué malgré lui les prolongations. Accostant fin novembre à domicile, en Irlande, le barnum rock ne devait plus quitter le mouillage avant 2016. Jusqu’à ce que la décision soit vite prise de reporter les deux dates annulées à dimanche et lundi soirs.
«People have the power»

Dimanche, c’est l’icône Patti Smith, présente depuis vendredi à Paris pour deux concerts en lien avec la conférence sur le climat, qui a fait une apparition finale à Bercy, le temps d’un People Have The Power interprété à l’unisson. Et c’est ce même hymne, écrit il y a presque trente ans par Patti Smith (et son défunt mari, Fred Sonic Smith), qui a été entonné derechef lundi par U2 et les cinq Eagles of Death Metal emmenés par un Jesse Hugues immaculé (pantalon, veste et chemise blancs) et bondissant en toute fin de soirée. Performer patenté, Hugues est un rocker tatoué comme seuls les Américains savent en enfanter : pro-armes à feu, anti-avortement, grandi dans la haine des communistes et soutien avoué de Donald Trump, le bigot sait captiver son auditoire, Bercy chavirant volontiers devant les cavalcades du chanteur qui sillonne la passerelle, tandis que, en hôtes attentionnés, Bono et consorts se contentent de jouer les utilités, avant même de s’éclipser pour laisser ces Eagles là occuper seul l’estrade le temps d’un ultime titre de leur cru.

Auparavant, il avait fallu montrer patte blanche pour accéder au cénacle. Plusieurs centaines de mètres de queue ceignaient ainsi le bâtiment quand, peu après 20h30, U2 a fait son entrée (au point que les dernières fouilles perdaient en zèle, afin de ne pas trop retarder celles et ceux qui avaient tout de même lâché jusqu’à 200 euros pour l’occasion). Un peu plus de deux heures durant, U2 a alors fait son «numéro» habituel, mêlant avec maestria - pour qui affectionne bien sûr la surenchère - classiques (Mysterious Ways, With or Without You, Where the Streets Have no Name) et nouveautés (Iris, Cedarwood Road, Every Breaking Wave). Dans un show fatalement paramétré par l’avalanche d’images bombardées sur un écran à la hauteur (et largeur) de la démesure, on guettait néanmoins les allusions à l’actualité tragique que ne manquerait pas de faire le toujours très concerné Bono. De fait, plusieurs phrases ou gestes symboliques scanderont le répertoire. D’un «Ce soir, nous sommes tous parisiens, si vous croyez dans la liberté, Paris est votre foyer» (le tout énoncé en anglais, pour HBO?, alors qu’en novembre, il s’exprimait plutôt en français), à un Ne me quitte pas à cappella accompagnant l’écran géant sur lequel défilent les noms des victimes des attentats.

Au début des rappels, Bono a aussi fait rimer «Liberté, fraternité, égalité» (sic) avec Beautiful Day, tout en couvrant la batterie de Larry Mullen Jr d’un drapeau tricolore récupéré dans la foule (quelques rares spectateurs ayant pris la peine d’arborer les couleurs nationales pour l’occasion), comme le fera plus tard Jesse Hugues. Oecuménique comme pas deux, l’amène rock star a aussi profité de l’occasion pour vilipender les terroristes ayant «perverti cette belle religion qu’est l’islam», tout en délivrant un message d’espoir à ses ouailles («l’amour, plus fort que la peur»).

Parmi les quelques variantes du show de novembre, à mi-spectacle, une pluie de petits papiers est tombée des cintres de Bercy. Une myriade de confettis géants comme on en voit de temps en temps dans ce genre d’événement. Sauf que dessus figuraient, imprimés en petits caractères, des psaumes de la Bible, tel le 44, suppliant «Réveille-toi ! Pourquoi dors-tu seigneur ? Réveille-toi, et ne nous repousse pas à jamais !»

Ce faisant, Bono a également fait allusion à la COP 21 et encouragé ses fidèles à continuer de batailler contre le sida. Mais celui qui réside une bonne partie de l’année à côté de Nice n’a donné aucune consigne de vote pour le second tour des régionales. (Libération)