Bouygues Telecom envoie SFR dans les cordes

Le conseil d'administration de Bouygues Telecom a décidé à l'unanimité de ne pas donner suite à l'offre non sollicitée par Altice, la maison mère de SFR-Numericable
Publié le 24/06/2015 à 08:32
Temps de lecture : 4 min
Bouygues Telecom envoie SFR dans les cordes

(AFP / Challenges) "Tout n'est pas a vendre", a déclaré mercredi le PDG du groupe Bouygues Martin Bouygues justifiant le rejet de l'offre du patron d'Altice Patrick Drahi de quelque 10 milliards d'euros sur sa filiale Bouygues Telecom. "Je considère qu'une entreprise c'est pas une marchandise comme une autre, tout n'est pas à vendre", a dit le chef d'entreprise interrogé sur l'antenne de RTL.

C'est un refus sec et sans manières, une forme de camouflet pour l'insatiable Patrick Drahi, qui à la tête d'Altice semblait sans limites dans sa stratégie de conquête. Le conseil d'administration de Bouygues a décidé mardi 23 juin, en fin de journée, de repousser l'offre faite par Altice, la maison-mère de l'opérateur Numéricable-SFR, pour acquérir sa filiale Bouygues Telecom, a annoncé le groupe dans un communiqué. "Le conseil d'administration a décidé à l'unanimité, après un examen approfondi, de ne pas donner suite à l'offre non sollicitée du groupe Altice", a précisé le communiqué, ajoutant que "l'offre représente un risque d'exécution important qu'il ne revient pas à Bouygues d'assumer, en particulier en matière de droit à la concurrence". Un autre argument - social - a pesé sur les membres du Conseil d'administration de Bouygues Telecom. Car le communiqué poursuit: "Le conseil a apporté une grande attention aux conséquences de la consolidation du marché sur l'emploi ainsi qu'aux risques sociaux nécessairement liés à une telle opération".
Ce projet, révélé dimanche dans les colonnes du JDD,  était suivi de près par Bercy, où Patrick Drahi devait rencontrer Emmanuel Macron. Le ministre de l'Economie s'est d'ailleurs montré beaucoup moins engagé, à quelques heures de cette rencontre. Il a, en effet, indiqué mardi matin ne pas avoir "de religion" sur la nécessité d'avoir 3 ou 4 opérateurs de télécoms en France alors qu'il s'était prononcé immédiatement après l'annonce de cette opération contre une "consolidation" du marché.
Offre de plus de 10 milliards

Ce n'est pas la première fois que Bouygues fait l'objet d'une offre de la part de ses concurrents mais celles-ci ont toutes été jusqu'à présent rejetées par Martin Bouygues. "Vous vendriez votre femme, vous ?" avait-il répondu, à la question d'une possible cession de Bouygues Telecom, lors de la présentation des résultats du groupe en février dernier. Il n'était cependant pas certain, cette fois, que le conseil d'administration du groupe industriel repousse une offre qui valorisait sa filiale des télécoms à 10 milliards d'euros minimum, selon un source proche du dossier, une valeur bien supérieure à celle donnée par la majorité des estimations.

Une consolidation dans le secteur est jugée bénéfique par la majorité des analystes. Dans une note publiée lundi, l'agence de notation Fitch a estimé ainsi qu'une telle acquisition réduirait "la compétition pour les usagers comme les fréquences", tout en soulignant qu'une telle opération devra "faire face à plus d'obstacles que des opérations similaires en Europe".

Parmi les professionnels, les opérateurs virtuels (MVNO), qui ne disposent pas de réseau en propre, ne veulent pas être laissés de côté en cas de finalisation de la vente.

Alors que le groupe Iliad, maison-mère de Free avait indiqué être entré en "négociations exclusives" avec Numericable-SFR pour récupérer une partie des fréquences, antennes et boutiques de Bouygues Telecom en cas de succès de l'opération, les MVNO ont affirmé vouloir aussi prendre part à la réorganisation du secteur.

A la tête d'un empire des médias et des télécommunications comprenant notamment les publications L'Express et Libération, Patrick Drahi avait déjà réussi en mars 2014 à s'emparer de SFR à l'issue d'une longue bataille contre Bouygues Telecom.