Luxembourg : la Commission Européenne ouvre une enquête sur le traitement fiscal accordé à Engie

La Commission européenne a annoncé lundi l'ouverture d'une "enquête approfondie" sur "le traitement fiscal" accordé par le Luxembourg au groupe énergétique Engie, dont l'Etat français est actionnaire à près de 33%
Publié le 19/09/2016 à 11:43
Temps de lecture : 4 min
Luxembourg : la Commission Européenne ouvre une enquête sur le traitement fiscal accordé à Engie

"La Commission craint que plusieurs décisions fiscales anticipatives (ou rescrits fiscaux, ndlr) émises par le Luxembourg aient potentiellement conféré à GDF Suez un avantage injustifié par rapport à d'autres sociétés, en violation des règles de l'UE relatives aux aides d’État", explique-t-elle dans un communiqué.

Cette enquête vise des rescrits fiscaux émis "depuis septembre 2008" par le Luxembourg sur deux transactions financières entre des sociétés de GDF Suez.

"Ces décisions traitent une même transaction financière entre sociétés de GDF Suez de manière incohérente, en la considérant à la fois comme un emprunt et comme une prise de participation", explique la Commission dans son communiqué.

"Ce traitement fiscal entraîne de toute évidence une double non-imposition, du côté des prêteurs et des emprunteurs, de bénéfices générés au Luxembourg", poursuit-elle.

"Une même entreprise ne peut pas gagner sur les deux tableaux pour une seule et même transaction", a commenté la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, citée dans le communiqué.

"Le Luxembourg estime qu'aucun traitement fiscal particulier ou avantage sélectif n'a été octroyé à des sociétés du groupe Engie à Luxembourg", a immédiatement réagi le ministère luxembourgeois des Finances dans un communiqué.

"Le Luxembourg fournira toutes les informations requises par la Commission dans le cadre de l’enquête", promet-il.

- "Pas imposée du tout" -

Les deux transactions ciblées par l'enquête ont été accordées, pour la première en 2009 par LNG Luxembourg à GDF Suez LNG Supply, et pour la seconde en 2011 par Electrabel Invest Luxembourg à GDF Suez Treasury Management.

D'un côté, le Luxembourg a laissé les emprunteurs agir comme si cette transaction était un emprunt: ils ont ainsi pu déduire, à titre de dépenses, les intérêts débiteurs générés par la transaction, réduisant ainsi leurs bénéfices imposables au Luxembourg.

Les avantages fiscaux accordés par des Etats membres de l'UE à des entreprises multinationales sont dans le collimateur de Bruxelles depuis plusieurs mois ( AFP/Archives / ERIC PIERMONT )

De l'autre, les prêteurs ont pu se comporter comme si la transaction constituait, non plus un emprunt, mais une prise de participation: les revenus tirés de la transaction ont ainsi été considérés comme une rémunération de capital et exonérés d'impôts, ainsi que l'autorise la loi luxembourgeoise.

"Au final, il semble qu'une part significative des bénéfices enregistrés par GDF Suez au Luxembourg par l'intermédiaire de ces deux montages ne soit pas imposée du tout", constate la Commission. "Si cela devait se confirmer, cela voudrait dire que GDF Suez a bénéficié d’une aide d'État illégale", conclut-elle.

L'Etat français détenait 32,76% du capital d'Engie au 31 décembre 2015, selon son site internet.

Les avantages fiscaux accordés par des Etats membres de l'UE à des entreprises multinationales sont dans le collimateur de Bruxelles depuis plusieurs mois.

Le 31 août dernier, la Commission avait sommé Apple de rembourser à l'Irlande 13 milliards d'euros d'avantages fiscaux indus assimilés à des aides d'Etat.

En janvier, elle s'était attaquée à au moins 35 multinationales, notamment le brasseur belgo-brésilien AB InBev, ayant bénéficié d'avantages en Belgique, pays au régime fiscal particulièrement favorable aux grands groupes.

En octobre 2015, elle avait exigé de Starbucks et Fiat le remboursement des aides reçues "illégalement" respectivement par les Pays-Bas et, déjà, le Luxembourg. Ces deux pays ont fait appel.

AFP